Par Arnaud Réaux, Architecte
Il nous est souvent demandé « mais qu’est-ce que vous faites exactement à Bonifacio, c’est un projet pour construire ? ». Question qui a du sens, car elle montre à quel point un travail commun entre différentes disciplines n’est pas souvent présenté au grand public.
Nous le savons, les architectes sont aujourd’hui dans une posture délicate. D’un côté le métier est de plus en plus cantonné à un exercice de maîtrise d’œuvre en aval des prises de décisions, et de l’autre la profession ne sait pas faire corps sur les débats autour de l’aménagement, comme l’actualité le prouve.
L’opportunité de faire cette résidence à Bonifacio vient de deux envies.
La première est la volonté de questionner l’avènement touristique au regard de l’évolution de nos territoires et de prendre position en tant qu’architecte sur une industrie économique si puissante qu’elle en dirige bientôt la majorités de financements de l’aménagement de nos territoires côtiers. Étant installé dans les Alpes-Maritimes et engagé au CROA PACA, il me semble nécessaire que les architectes prennent position sur le tourisme.
La seconde envie vient de la certitude que l’architecte doit travailler en équipe avec d’autres disciplines – autres que les bureaux d’études. L’urbanisme et l’architecture sont deux outils qui façonnent nos cadres de vie. Sur une question si complexe que le tourisme qui touche à la fois le territoire, l’aménagement, le paysage, l’activité locale, et les savoir-faire, les architectes ont évidemment leurs mots à dire, mais ils ne peuvent réfléchir qu’entre eux.
C’est pour cela que nous sommes ici entre architecte/photographe/ethnologue/paysagiste. Les regards se complètent, non pas pour apporter des certitudes, mais bien plus pour ouvrir le champ du regard et apporter ainsi une approche sur différents axes. Parler avec les habitants est nécessaire, mais un(e) architecte reste amateur pour en ressortir une approche neutre, c’est pour cela qu’une ethnologue est dans l’équipe. Comprendre les logiques paysagères est également une connaissance qui nécessite le savoir d’un(e) paysagiste. Et pour un territoire aussi splendide que les falaises de Bonifacio, le regard d’un(e) photographe est tout autant indiqué.
Ce que nous faisons a Bonifacio n’est pas un projet d’architecture. Nous travaillons à comprendre les liens qui se font entre un territoire et le tourisme. Quels sont les changements, les projets en cours? Quel est l’impact du tourisme sur l’activité des personnes habitants à l’années ? Quelles sont les différences entre LA saison, et les autres…
Pourquoi? Parce que ces éléments nous permettront de faire remonter un point de vue qui, peut-être, permettra aux acteurs politiques de la ville d’avoir de nouveaux regards. Ce travail pourrait être une aide à la prise de décisions à partir de la matière ethnologique in-situ, appliquée à une approche urbanistique qui s’appuie sur une vision paysagère restituée dans un travail photographique.
C’est ici une piste de réflexion … et une autre façon de faire qui pourrait permettre aux architectes de se replacer dans les débats politiques et sociaux sur l’évolution de nos territoires face au tourisme. Car ils ont les outils et les connaissances pour le faire.
Voilà là notre ambition derrière ce travail a Bonifacio.